Idées Courtes, Idées Fausses

Pascal Salin : Revenir au véritable capitalisme

 Après un XXe siècle marqué par les guerres et les totalitarismes, mais heureusement terminé par l’effondrement des régimes communistes, on pouvait penser que le monde se convertirait au capitalisme, aussi bien dans les faits que dans les esprits. Il n’en a rien été. L’interventionnisme étatique s’est accru dans la plupart des pays et le capitalisme a fait l’objet d’attaques vigoureuses.

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 C’est dans ce contexte que la crise économique a éclaté. Et l’opinion dominante n’a donc pas eu de mal à l’interpréter comme une manifestation éclatante du caractère instable du capitalisme et même de son immoralité. Le scénario simpliste suivant a été répété : les capitalistes âpres au gain et incapables d’avoir une vision à long terme ont pris des risques excessifs, ce qui a mis en péril tout le système financier mondial et provoqué une crise économique de grande ampleur. 

Ce scénario ne résiste cependant pas à une analyse rigoureuse et cohérente. En réalité, c’est l’interventionnisme des Etats et l’affaiblissement des disciplines du capitalisme à notre époque qui ont empêché les marchés de jouer leur rôle régulateur. Ce sont des causes similaires qui avaient provoqué la Grande Crise des années 1930 et ce sont elles aussi qui risquent de faire apparaître de nouvelles et graves crises. C’est pourquoi il est essentiel d’analyser avec précision les événements récents. 

En effet, la cause de la crise réside dans la politique d’expansion monétaire pratiquée au cours de la première moitié des années 2000, en particulier aux Etats-Unis. Il en est résulté une abondance de liquidités qui a conduit à financer trop de projets, en particulier des projets risqués, d’autant plus qu’elle était accompagnée d’une politique de bas taux d’intérêt qui faussait les calculs économiques. Cette abondance de liquidités et ces manipulations des taux d’intérêt ont entraîné d’importantes distorsions structurelles en orientant les facteurs de production vers les secteurs les plus dépendants du crédit. 

Cette situation a été aggravée par la politique interventionniste du gouvernement américain dans la politique du logement. Les banques ont ainsi été incitées ou même contraintes d’accorder des crédits à des emprunteurs peu solvables sous le prétexte absurde d’éviter de prétendues discriminations.

 Par ailleurs, les réglementations – qui restent importantes dans le secteur financier – ont créé une fausse sécurité et elles ont bien souvent incité à des prises de risques excessifs. Toutes ces causes sont donc liées à l’interventionnisme étatique. 

INSUFFISANCE DE FONDS PROPRES 

Mais il faut voir dans la crise récente, comme dans les précédentes, une conséquence de l’affaiblissement du capitalisme.

De ce point de vue, la politique fiscale joue un rôle majeur, car la plupart des systèmes fiscaux pénalisent l’accumulation de capital.

En outre, les systèmes de retraite par répartition ou les systèmes publics d’assurance-maladie n’incitent pas à l’épargne, puisque l’Etat ou ses dépendances sont censés couvrir toutes sortes de risques.

 C’est pourquoi la plupart des pays développés se caractérisent par la faiblesse de leur épargne et surtout par une insuffisance de fonds propres. On a cherché à compenser cette faiblesse par un financement des investissements d’origine monétaire illusoire et qui a conduit à la crise. 

Par ailleurs, l’insuffisance de fonds propres a atténué la discipline de la responsabilité qui est celle de véritables propriétaires. Les décisions financières à notre époque sont prises par des manageurs non capitalistes – des salariés – et pas par de vrais capitalistes, c’est-à-dire des propriétaires responsables et soucieux d’éviter la faillite de leurs entreprises. Il est donc étonnant d’attribuer au « capitalisme » des erreurs qui ne peuvent pas lui être attribuées. 

Il en résulte que toutes les politiques adoptées à travers le monde sous le prétexte de sortir de la crise sont inadaptées et risquent de prolonger les difficultés. Ainsi en est-il d’une politique monétaire trop expansionniste qui fait craindre un nouveau cycle monétaire ; des prétendues politiques de relance qui conduisent à gaspiller des ressources rares et empêchent les restructurations nécessaires qui se feraient sur les marchés ; des réglementations renforcées qui nuisent au bon fonctionnement des marchés. Et la coordination internationale de ces politiques ne peut qu’aggraver le problème, car les erreurs ne sont pas moins des erreurs si elles sont adoptées par un grand nombre de pays

En définitive, revenir au capitalisme, c’est revenir à une véritable éthique sociale qui est malmenée par l’interventionnisme étatique. En effet, le capitalisme peut se définir comme un système de droits de propriété légitimes et il repose donc sur l’exercice de la responsabilité individuelle. En tant que tel, il est le seul système social dont les fondements sont de nature morale. Il n’y a donc pas à réformer, à contrôler ou à moraliser le capitalisme, il faut le restaurer.

 Pascal Salin, professeur émérite à l’université Paris-Dauphine LE MONDE | 19.03.10  

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Pascal Salin : Seul le capitalisme privilégie l’épargne sur la consommation (cliquez sur le lien)

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